Des métiers à tisser Jacquard à Sophia, la première forme artificielle à obtenir une nationalité Saoudienne, plongez avec Valentin dans la découverte l’évolution de l’intelligence artificielle à travers les temps.
Transcription de la chronique :
Avril 1841.
Le Théâtre national de Varsovie entame les premières notes de la Varsovienne.
Quelques mois plus tard, les ouvriers lyonnais du textile iront détruire les métiers à tisser, dits métiers Jacquard, lors de la première révolte des Canuts.
Ancêtres lointains de nos ordinateurs, les métiers Jacquard étaient programmables grâce à un système de cartes perforées qui permettaient la réalisation de motifs tissés complexes se passant quasiment d’intervention humaine.
À leur apparition, les artisans se sont vus supplantés par ces nouveaux outils bien plus rapides que l’humain.
Relégués au rang de simples exécutants au service de la machine, ils ont vu leurs conditions de travail se détériorer.
Ces mêmes cartes perforées seront réutilisées plus tard par le mathématicien anglais Charles Babbage dans sa machine analytique. Une machine qui restera inachevée mais dont Ada Lovelace en a écrit les premiers programmes informatiques.
1st RECORDING OF: Rag Mop – Johnnie Lee Wills (1949)
Un siècle plus tard, alors que l’Université de Manchester développe puis met en service le Mark 1, l’un des premiers ordinateurs électroniques, le britannique Alan Turing imagine un test permettant de déterminer la sophistication d’un algorithme pour imiter le fonctionnement de l’esprit humain.
Le test est simple.
Supposons que vous discutiez via une messagerie de chat sans voir ni connaître les deux interlocuteurs avec qui vous échangez. Votre objectif : déterminer lequel est un programme informatique et lequel est humain. Lorsqu’il devient impossible de distinguer l’humain de la machine, le programme réussit le test.
Le terme electronic brain fait alors son entrée dans la littérature scientifique et de fiction.
Le programme Eliza, qui simulait le comportement d’un psychothérapeute, passera le test en 1966 en reformulant puis renvoyant les questions posées par l’utilisateur.
L’apprentissage automatique, méthode selon laquelle la machine comparera des dizaines de solutions possible avant de sélectionner la plus efficace, permettra à Deep Blue de battre le champion d’échec Garry Kasparov en 1997.
Gala – Freed from desire
Avec l’essor du web dans les années 2000, la quantité de données disponible explose et les investissements sur les intelligences artificielles suivent.
C’est le début du deep learning : l’algorithme est à présent capable d’analyser des images, du son et des textes de manière toujours plus précise en apprenant et en intégrant de nouvelles informations.
Siri en 2011, Alexa en 2014, puis Google home en 2016 intègrent des voix de synthèses et peuvent quasiment converser de manière fluide.
Aujourd’hui, des dizaines de sites proposent la génération d’images simulant des créations artistiques d’un simple clique. Le deepfaking nous permet de voir le Pape en doudoune blanche, Donald Trump violemment plaqué au sol par la police ou encore Marine le Pen voilée sur un plateau télé.
Alors que des cas de triche via ChatGPT ont déjà été recensés, la question de l’usage et du développement de ces intelligences soulève de nombreuses interrogations et craintes autour de la place des créateurs ou encore sur la fiabilité journalistique déjà bien malmenée par les théories conspirationnistes.
Mais revenons quelques siècles en arrière…
Du mythe de Talos, ce géant de bronze création du dieu Grecque Hephaistos gardant les rivages crétois, au turc mécanique, cet automate joueur d’échecs célèbre canulars du 18 ème siecle, en passant par le canard de Vaucanson, machine supposée imiter la digestion d’un véritable animal, sans compter les créations de Léonard de Vinci ou encore les robots antiques d’Héron d’Alexandrie : la simulation du vivant a toujours fasciné.
En témoigne la Culture avec, pêle-mêle : le géant de fer réalisé par Brad Bird, Wall-E du studio Pixar, le R2D2 de George Lucas, la protagoniste centrale de l’Eve future, roman écrit au 19ème siècle, le robot gardien Gort dans le film Le jour ou la terre s’arrêta, réalisé en 1951, Marvin, un robot dépressif tiré du Guide du voyageur galactique de Douglas Adams.
Du mythe de Pygmalion au cerveaux positroniques d’Isaac Asimov, des froids et calculateurs Skynet, Hal 9000 ou Cybermen de Doctor Who, dénués d’émotions,
à l’amoureuse assistante vocale Samantha dans le film Her sorti en 2013, la fiction n’a pas fini d’exploiter l’intelligence artificielle et la robotique.
Alors qu’en 2016, le bot de conversation Tay développé par Microsoft a été détourné de son usage premier par les internautes pour finalement tenir des propos antisémites et misogynes sur Twitter, en 2017, la gynoïde Sophia recevait la nationalité saoudienne déclenchant de vives critiques dans un État dans lequel les femmes n’ont presque aucuns droits.
L’astrophysicien Stephen Hawkings disait un an plus tôt que l’IA pourrait être le plus important événement de l’histoire de notre civilisation.
Six ans plus tard, en 2023, le sujet est plus que jamais d’actualité.
Et comment ne pas aborder l’impact écologique et social du développement de la technologie de masse quand on sait que sa production dépend de l’exploitation minière de terres rares dans des pays où les droits humains sont bafoués.
Sommes- nous à l’aube d’une nouvelle révolution industrielle ?
Alors que l’histoire a retenu au travers de la révolte des Canuts un mouvement conservateur et anti-innovation. En réalité, lorsque ces lyonnais du 19ème siècle s’attaquaient aux automates à tisser, ils contestaient une concentration des richesses et du pouvoir entre les mains des grands industriels à l’époque de l’émergence du modèle capitaliste.
A l’aube de la révolution industrielle, se sont formés les premiers mouvements ouvriers.
La prochaine verra-t-elle l’émergence de nouvelles luttes ?
Yves Montand – Les Canuts
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