Dimanche 29 octobre s’effondre un symbole d’une époque, d’une épopée architecturale et d’un quartier : la T17. Tour d’habitation des trente glorieuses, elle tirera sa révérence dans un dernier nuage de fumée.
Jules vous emmène à la re·découverte de la France d’après-guerre dans une période de reconstruction pour loger en masse la population dans un contexte d’expansion démographique et de modernisation du pays.
Transcription de la chronique :
C’est un rêve des années soixante-dix qui s’effondre. Inaugurée en 1970 pour héberger les salarié·es des chèques postaux, la T17, un immeuble de 273 logement dans le secteur d’Orléans la Source, est dynamitée le 29 octobre 2023 à 11h.
N’ayant pas fait ces preuves en France, retraçons ensemble l’histoire de l’habitat collectif, une révolution architecturale emblématique des trente glorieuses : cette période de forte croissance économique en France au sortir de la seconde guerre mondiale des années 1950 aux années 1970.
Nous sommes au milieu du XIXème siècle, lorsque les premiers immeubles, dits modernes, apparaissent. On change de matériaux, la pierre et le bois sont remplacés par le ciment, la brique et l’acier, beaucoup plus résistant. Grâce à ces nouveau matériaux, les immeuble dépassent maintenant les sept étages. La tour Albert, située dans le 13ème arrondissement de paris, est le premier gratte-ciel de logements de la capitale française. Au même moment, est mis en place l’électricité, l’eau courante ainsi que le tout à l’égout ce qui améliore grandement le mode de vie dans ce nouveau type d’habitation.
Un siècle plus tard, après la seconde guerre mondiale, les villes les plus touchées se reconstruisent et ce, jusqu’à la fin des années 1960. L’architecture est standardisée. Dorénavant, les façades sont sobres avec peu d’ornements à l’opposé des immeubles haussmannien du début du XIXème siècle.
La construction doit être très rapide afin de reloger, en un minimum de temps, un maximum de personnes qui ont perdu leur logement dans les bombardements.
Plus tard, dans les années 1960 à Orléans, d’importants programmes de construction de logements sociaux sont lancés dans la partie nord du quartier de La Source.
La Source, c’est le nom du nouveau quartier d’Orléans. À un endroit ou quelque années auparavant il n’y avait que des champs, se situent dorénavant des dizaine d’ immeubles d’habitations. Un quartier pensé sur le principe d’urbanisme sur dalle.
L’urbanisme sur dalle désigne le principe de séparer la circulation automobile de la voie piétonne sur différents niveaux. Alors que la circulation de véhicules se fait en sous-sol, la surface est exclusivement réservée aux piétons.
Dans le quartier de la Source à Orléans, la résidence Beauchamps, sur la rue de la Bolière, est l’un des premiers grands ensembles édifiés. Elle est réservée dès 1964 aux fonctionnaires ainsi qu’aux rapatriés d’Algérie, fuyant alors leur pays car menacé de purification ethnique. Au même moment, on édifie l’ensemble André-Gide à l’Ouest du quartier de la Source, sur l’avenue Kennedy.
Les années suivantes, Des centres commerciaux sont construits. Ainsi, naît le centre commercial 2002 situé au pied de la T17 et de la dalle. Néanmoins, des désagréments liés à ce nouveau mode de vie font surface. La voirie est trop peu développée. Les habitants soulignent le manque de transports en commun, de commerces et de loisirs
La dalle étant construite uniquement en béton, les habitants se plaignent aussi du manque d’espaces verts à proximité.
En Europe, selon le site internet Statista, 43 % des individus vivent dans un logement collectif.
Comment explique-t-on que ce rêve d’urbanisme des années 70 s’est transformé en cauchemar social ?
Pourquoi veut-on aujourd’hui dynamiter ce passé architectural ?
Livrée en 1970 afin héberger les salariés des Chèques Postaux, la T17 a perdu en attractivité au fil du temps. Les Sourçiens préférant les habitats individuels au habitats collectifs. Le bailleur social Pierres et Lumières, propriétaire de l’immeuble, ne la proposait plus en location depuis le mois d’octobre 2018.
« Cela fait déjà longtemps qu’on avait un problème de vacance de logements dans cet immeuble, et on savait que cela ne s’arrangerait pas », souligne Maxence Marchand, le directeur de l’agence locale Pierres et Lumières a France Bleu Orléans.
Il n’y a pas seulement des problèmes d’occupation des lieux, il y a aussi des problèmes lié aux questions d’insécurité : « Certes, la tour faisait peur par sa taille, mais le vrai souci venait de la typologie des logements – uniquement des T1 et des T2, mais avec de grandes surfaces et donc des loyers trop chers pour les étudiants et les personnes âgées » indique Maxence Marchant lors d’une interview de France Bleu Orléans. L’idée d’une démolition a donc fini par s’imposer, dans le cadre d’un projet plus global de rénovation de la dalle de la Source, menée par Orléans métropole avec le concours de l’ANRU, l’agence nationale de rénovation urbaine. Ce projet vise à rénover les habitation existante afin de les remettre en vente.
Des problème d’hygiène aussi ; « au pied de la tour, il y a toujours des mégots par centaines, une chaussette, le reste d’une brique de lait, du verre et des barquettes en aluminium. Un jour, c’est un canapé qui est passé par la fenêtre », déclare un habitant au journal la République du centre.
La T17 a acquit une mauvaise image au fil des années notamment dû au fait que les français privilégient l’habitat individuel a l’habitat collectif, selon l’INSEE , c’est une tendance qui s’observe depuis les années 2000.
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Dans le reste de l’Europe et du monde l’habitat collectif et les grands ensemble ont connu un destin différent.
Dans l’ancien URSS l’habitat collectif est plus commun qu’en France comme le démontre les kommounalka, des grandes maisons transformées en appartements en commun.
Au Pays-bas, le logement social et plus présent que nulle par ailleurs, c’est devenu le logement général pour toute personne habitant au Pays-bas. Selon le site internet Metropolitiques.eu, à Amsterdam, le logement social représente 52 % du parc immobilier.
Aux États-Unis, tout comme en France, le logement social n’a pas fait ses preuves. Depuis plusieurs années, les grandes villes américaines détruisent leur logements sociaux. Selon le site internet metropolitiques.eu, le logement social de New York ne représente que 5,8 % du parc immobilier.
Les catastrophes naturelles sont a l’origine de la mise en place des logements sociaux au Japon. Après le grand tremblement de terre du Kantô en 1923, les sans-abris ayant perdu leur logement durant la tragédie ont besoin d’être relogés dans les plus bref délais.
Le gouvernement va alors créer l’association pour l’enrichissement du peuple. Son rôle : inciter la construction de nouveau logement sociaux pour les victime du séisme.
Alors que dans d’autres pays les grands ensembles d’habitats collectifs ont su trouver leur place dans les paysages urbains, en France le modèle n’a pas fonctionné et c’est l’habitat individuel qui a été par la suite privilégié.
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« La tour sera détruite par explosion, un dimanche« , indique Maxence Marchand. « C’est un lieu emblématique, et cela fera quelque chose aux habitants car cela changera le visage du quartier« . En attendant, les travaux de sécurisation pour interdire tout accès à la T17, eux, ont déjà commencés.
Bibliographie
https://metropolitiques.eu/Le-logement-social-a-New-York.html!
Orléans-la Source : désormais vide, la T17 attend sa démolition prévue à l’été 2022 (francebleu.fr)
Les Français et l’habitat individuel : préférences révélées et déclarées (openedition.org)
Part de la population européenne habitant une maison par pays 2018 | Statista
L’habitat collectif septentrional au premier XXe siècle : une histoire en chantier | Cairn.info
Un lieu de vie avant tout (orleans-metropole.fr)
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