Le courage de la non violence.

Parlons Philo

Jean-Marie Müller – Face aux altérités, le défi de la non-violence

 

Jean-Marie Müller est un philosophe français, spécialiste de Gandhi et de la non-violence, né le 21 octobre 1939 (78 ans) à Vesoul. Il est directeur d’études à l’Institut de recherche sur la résolution non-violente des conflits. Il est aussi un membre fondateur du Mouvement pour une alternative non-violente, et membre du comité de parrainage de la Coordination française pour la Décennie de la culture de la paix et de la non-violence. Il soutient, depuis sa création en 2001, le fonds associatif Non-Violence XXI. Ses ouvrages ont été traduits en plusieurs langues, et notamment en arabe par Mohamed Ali Abdel Jalil (traductions qui ont été publiées à Beyrouth et à Damas).

 

Dans la conférence qu’il nous offre ici, Jean-Marie Müller nous amène à réfléchir sur la distinction entre violence et conflit. Si la violence n’est jamais légitime, tel n’est pas le cas du conflit. En effet, Jean-Marie Müller nous amène à prendre conscience que l’homme est un être relationnel, et que par conséquent la défense de ses droits demande à ce que ceux-ci se voient reconnus par les autres. Si le dialogue et la négociation sont les premiers moyens par lesquels les hommes peuvent entrer en relation les uns avec les autres, les impasses du discours demandent aussi à ce qu’une résistance sache s’opposer aux désirs de domination de l’autre. Le conflit apparaît ainsi comme une des conditions nécessaires à l’instauration de la justice et de la paix entre les hommes. Souvent, les spiritualités ont privilégié la recherche de la « paix intérieure », sans trop se préoccuper de la nécessité d’agir pour la paix en s’engageant dans des luttes pour la justice. Mais comment « être en paix avec soi-même », si on n’est pas en paix avec l’autre homme ? Comment connaître la « paix intérieure », si on n’agit pas pour la paix dans le monde ? La violence qui meurtrit les autres hommes peut-elle laisser en paix ? L’urgence de la vie n’oblige-t-elle pas à être d’abord « en paix avec l’autre » ?

Il est vrai que la relation à l’autre est génératrice de conflits qui risquent de dégénérer en violences, comme l’ont très bien montré tant René Girard, Simone Weil qu’Albert Camus. Il s’agit d’accepter ces conflits et de les assumer. En refusant les contradictions de la violence et en affirmant le respect de l’adversaire, la non-violence réhabilite le conflit et la lutte. Face à une situation d’injustice, l’alternative à la violence n’est pas seulement le dialogue, mais la force de l’action directe non-violente. Le génie de Gandhi, de Martin Luther King ou encore de Cesare Chavez, c’est précisément, par la mise en œuvre d’une stratégie de l’action non-violente, d’avoir réconcilié l’exigence spirituelle et le réalisme politique, d’avoir réuni la morale de conviction et la morale de responsabilité.

Jean-Marie Müller nous montre donc que l’homme ne se connaît-lui-même que par la médiation de sa relation avec l’autre homme. Aucune paix ne se construit dans la solitude. C’est par l’acte de bonté envers l’autre que j’accède à la paix, car c’est en recevant la paix de l’autre, que je peux dire « je suis en paix ». La paix est une dynamique qui s’inscrit au cœur des relations de l’homme avec l’autre homme. La paix est donc ouverture à l’altérité. Et c’est à ce défi de la non-violence face aux altérités que nous convie ici Jean-Marie Müller.